drêches d'orge issues d'une malterie. Photo crédit Wikipédia

Peut-on donner de l’orge issue d’une malterie aux poules ?

Une question « piège » !

C’est une question qui m’a été posée mardi en direct, lors du live Ça Papote au Poulailler. Question en direct, réponse en direct, sans filet ni recherche préalable si nécessaire… Et bingo c’est ce que je nomme une « question-piège« , car je ne connais pas ce sous produit agricole, je ne l’ai jamais utilisé et je ne me suis jamais documentée à ce propos… le flou total !

Et par conséquent le risque d’absence de pertinence de ma réponse à cette question… Car je ne peux, lors du live, que supposer. (c’est aussi un peu pour ça qu’on te demande de poser les questions avant !)

Lorsqu’on élève des poules de manière naturelle, on est souvent à la recherche de ressources locales, peu coûteuses, respectueuses du vivant, dans l’idée d’un cycle vertueux. C’est dans cet esprit que certaines personnes récupèrent des coproduits agricoles destinés à être jetés ou compostés. Parmi eux, l’orge issue des malteries soulève des questions : est-elle sans danger ? Peut-elle être donnée aux poules ? Et si oui, sous quelles conditions ?

Voici un tour d’horizon que j’ai pu établir après quelques recherches sur le web, pour répondre à ces interrogations.


Qu’est-ce que l’orge issue d’une malterie (ou drêches) ?

Dans une malterie, les grains d’orge sont germés (pour activer les enzymes nécessaires à la transformation de l’amidon), puis séchés ou chauffés, afin de produire du malt. Ce malt est ensuite utilisé dans la fabrication de bière, notamment pour la fermentation.

Ce qui reste après le brassage s’appelle des drêches de brasserie : il s’agit des résidus d’orge ayant subi la germination, puis un rinçage à l’eau chaude pour en extraire les sucres. Ce sous-produit est considéré comme un « déchet » dans l’industrie brassicole, mais il peut être en réalité très intéressant sur le plan nutritionnel.


Composition nutritionnelle des drêches

Les drêches sont :

  • Riches en fibres brutes (20 à 50 % selon le brassage),

  • Riches en protéines végétales (15 à 25 % selon le procédé), toutefois moyennement bio-disponibles pour les poules

  • Pauvres en sucres (qui ont été extraits pour la bière),

  • Contiennent encore des minéraux : phosphore, magnésium, potassium… mais peu de calcium.

Elles sont cependant pauvres en énergie digestible pour les volailles. On les considère donc plutôt comme un complément, et non un aliment de base.


✅ Les avantages pour les poules

  • Apport en fibres et protéines intéressant, notamment en complément de céréales entières, de riz cuit ou de brisure, de semoule de sarrasin. 

  • Texture appétante si l’aliment est frais, odeur agréable de céréale.

  • Possibilité de valoriser un déchet local à moindre coût. 

Si c’est un déchet pour la brasserie, s’en débarrasser ou le recycler a nécessairement un coût… Par conséquent, le donner serait rentable pour l’entreprise… et pour l’éleveur. 

illustration de poules picorant dans un sac de jute des drêches d'orge maltée.

illustration de poules picorant dans un sac de jute des drêches d’orge maltée.


⚠️ Précautions d’usage

Même si les drêches sont souvent utilisées en élevage industriels  (bovins, porcs, et parfois volailles) sous forme de sous-produits alimentaires, elles demandent quelques précautions indispensables chez les poules :

  1. Attention à la fraîcheur :
    Les drêches humides fermentent rapidement, surtout en été. Cela peut produire des moisissures invisibles, responsables de mycotoxines dangereuses pour les volailles (risques digestifs, hépatiques, voire neurologiques). C’est exactement la même problématique que lorsque tu fais germer ton grain chez toi pour nourrir en alimentation vivante. 

  2. Surveiller la fermentation :
    Certaines fermentations naturelles (lactiques) peuvent être bénéfiques, mais une fermentation incontrôlée (odeur acide forte, pourriture, développement de levures ou champignons) est à éviter absolument. Ici aussi, exactement le même combat que pour tes grains germés. 

  3. Ne jamais donner moisi ou rance :
    L’odeur doit rester douce, proche du pain ou du malt, sans piquant ni amertume. (c’est juste du bon sens, même si on connait la propension de nos poulettes à aller bouffer n’importe quoi !)

  4. Introduire progressivement :
    Comme pour tout nouvel aliment, commencer par une toute petite quantité pour vérifier l’acceptation et observer le transit intestinal à travers les fientes. Si tu nourris déjà en grain germé, la transition et l’acceptation sera beaucoup plus fluide.

  5. Limiter la quantité :
    En complément uniquement, à raison de 5 à 15 % maximum de la ration journalière. Ne jamais distribuer à volonté. Ça se sont des données indicatives trouvées sur le web, sans véritable étude ou recherche tendant vers une alimentation plus saine et respectueuse des besoins réels de nos cocottes. On parle ici uniquement de rendement et d’engraissement.  Je persiste à penser qu’il y a donc matière à utiliser intelligemment ce co-produit, en adaptant une ration type… à réfléchir !

  6. Ne pas donner aux poules malades ou affaiblies, en raison du fort taux de fibres difficilement assimilables qui demanderont beaucoup d’effort à l’organisme. À éviter ou à donner avec parcimonie chez les poussins.


Pourquoi éviter chez les poussins ?

  1. Appareil digestif immature
    Les poussins ont un système digestif encore fragile. Les drêches sont riches en fibres et parfois humides ou fermentées, ce qui peut perturber leur flore intestinale encore en développement et provoquer :

    • des diarrhées,

    • des troubles de croissance,

    • un affaiblissement général.

  2. Déséquilibre nutritionnel possible
    Les besoins des poussins sont très spécifiques (protéines facilement digestibles, énergie, calcium en bon équilibre). Les drêches ne répondent pas à ces besoins précis : elles peuvent les remplir inutilement, sans leur apporter l’énergie ou les micronutriments nécessaires.


Pourquoi éviter chez les poules malades ou affaiblies ?

  1. Risque digestif accru
    Les drêches sont moins digestes que des aliments classiques. Chez une poule malade, l’organisme est déjà en difficulté. Une mauvaise digestion peut aggraver son état (ballonnements, fermentation intestinale, diarrhée, déshydratation…).

  2. Toxicité possible si mauvaise conservation
    Si les drêches ont commencé à moisir, fermenter de façon anarchique ou développer des toxines (mycotoxines), un animal en bonne santé peut souvent le supporter. Une poule affaiblie, non. Cela peut même être fatal si le foie ou les reins sont déjà fragiles.

  3. Pas de bénéfice nutritionnel réel dans ce contexte
    Une poule malade a besoin d’aliments hautement assimilables, riches en nutriments faciles à absorber. Les drêches sont surtout riches en fibres et en protéines de structure, pas idéales dans ce type de situation.


En résumé :
Les drêches peuvent être un complément intéressant pour des poules adultes en bonne santé, dans un troupeau rustique, bien suivi.
Mais chez les poussins ou les sujets fragiles, elles peuvent faire plus de mal que de bien, car elles sont trop riches en fibres, peu digestes, possiblement fermentées, et pas assez équilibrées pour leurs besoins spécifiques.


Conseils pratiques d’utilisation

  • Distribuer frais le jour même ou conserver au frais maximum 48h, bien égoutté. (ce qui est contraignant si la malterie n’est pas tout près de chez toi)

  • Mélanger à une pâtée maison (riz, lentilles, purée de légumes) pour améliorer l’équilibre alimentaire. Je te propose plus bas une ration type théorique visant à équilibrer la patte en fonction des besoins du poulet.

  • Faire sécher les drêches si possible, au soleil ou dans un four très doux : elles se conservent bien en version sèche.

  • Surveiller les fientes : si elles deviennent liquides, mousseuses ou très odorantes, il faut réduire la quantité ou arrêter temporairement.


En conclusion :

Oui, l’orge issue d’une malterie (sous forme de drêches) peut être donnée aux poules, à condition d’être saine, fraîche et introduite progressivement. C’est un excellent moyen de valoriser un coproduit agricole dans une démarche écologique, tout en variant la ration alimentaire des poules.
Cependant, elle ne remplace pas une alimentation équilibrée et ne doit jamais être donnée en grande quantité ni de façon prolongée.


Si tu as des retours d’expérience ou des astuces sur ce sujet,

n’hésite pas à les partager !


Ration principale à base de drêches – naturelle, équilibrée et vivante

Objectif : une ration complète, couvrant les besoins des poules adultes en bonne santé, en utilisant les drêches comme base, enrichie en énergie, protéines digestibles, minéraux et verdure pour ré-équilibrer les écarts.


Pour un petit groupe de 4 à 6 poules :

Base riche en fibres et protéines brutes

  • 2 à 3 poignées de drêches fraîches (environ 200 à 300 g), bien égouttées et non moisies

Source d’énergie (glucides digestes)

  • 1 tasse bien pleine de riz cuit ou de brisures, pommes de terre vapeur écrasées, couscous
    → Pour compenser le faible taux d’amidon résiduel dans les drêches

Protéines de qualité et acides aminés essentiels

  • 1 poignée de légumineuses germées (lentilles, pois chiches, haricots mungo)

  • 1 œuf dur écrasé (ou 2 si pas de graines germées)

  • 1 petite poignée de graines oléagineuses : tournesol concassé, lin broyé, sésame

Verdure fraîche riche en vitamines et enzymes

  • 1 grosse poignée de feuilles fraîches ciselées : ortie, pissenlit, plantain, trèfle, fanes tendres
    → Si possible, varier chaque jour pour une plus grande diversité

Calcium

  • 1 grosse cuillère à soupe de coquilles d’œufs finement broyées
    ou

  • 1 cuillère à soupe de coquillages pilés (généralement des huitres)

Facilitateur digestif

  • Saupoudrer la pâtée de Synvital ou Proferm (micro organismes)
    → Aide à l’assimilation et équilibre la flore intestinale


Conseils d’usage

  • Ajuster la part d’amidon ou de graines selon la saison, l’activité et la ponte.


Les drêches en alimentation humaine :

Certains ont déjà opté pour le recyclage des drêches en biscuits apéritifs (pour accompagner la bière !

 

Merci à Martine d’avoir soulevé cette question-piège qui m’aura permise de m’instruire et peut-être de trouver une nouvelle alternative locale de cycle vertueux.

illustration de poules qui se régalent avec une pâtée maison à base de drêche d'orge maltée

illustration de poules qui se régalent avec une pâtée maison à base de drêche d’orge maltée

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2 comments on “Peut-on donner de l’orge issue d’une malterie aux poules ?

  1. Martine

    Merci Gaëlle pour toutes ces précisions sur les drêches d’orge

    1. Gaëlle

      Avec plaisir puisque c’est grâce à toi !

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